Artiste : Orelsan | Titre : A qui la faute | Année : 2019
Paroles de A qui la faute (Kery James feat Orelsan)
J’voulais faire un film, j’l’ai fait
J’n’ai pas attendu Canal+, j’n’ai pas attendu l’CNC
J’en avais marre de voir les mêmes s’emparer de nos récits
Alors, j’ai écrit mon propre scénario, dépeint nos vies
J’suis pas resté les bras ballants, j’n’ai compté qu’sur mon talent
J’suis pas un fils de, il n’y a que ma détermination qui ait le bras long
J’ai dû en faire deux fois plus que ceux qu’ont deux fois moins de talent qu’moi
En France, c’est normal pour un Africain
Tu m’demandes « à qui la faute? »
En c’qui m’concerne, j’suis pas venu au monde dans le but de bâtir les rêves d’un autre
J’porte mes victoires et mes échecs, j’suis pas un esclave
J’n’ai pas l’État français pour maîtrePourtant l’État français continue d’vous la mettre
Et tu t’en sors peut-être, c’est qu’des miettes
Pour mieux faire croire que si t’as échoué, c’est qu’t’es bête
Parce que la pierre que l’bâtisseur rejette finira dans la fenêtre
Un seul film de Kery James, deux cents faits par des bobos d’merde, wow
Tu t’en es sorti tout seul, tu vois c’que j’veux dire, tout seul
Pauvreté, combien sont sous l’seuil?
Depuis la bonne idée d’l’État d’s’enrichir sur les immigrés
Leur refourguer les quartiers où la classe moyenne se suicidaitMais compare ces quartiers à c’que nos parent ont fuit
Le Bois-l’Abée, c’est le luxe pour quelqu’un qui vient d’Haïti
Quand j’observe ceux qui ont plus, j’me rappelle de ceux qu’ont moins
D’aussi loin qu’j’me souvienne, j’n’ai jamais vu maman s’plaindre
Sais-tu d’où l’on vient?
Ouais, j’m’en suis sorti tout seul, t’as bien compris, tout seul
Hein, pauvreté sous l’seuil, les banlieues n’sont pas les seules
Campagnards, l’abandon, la misère est aussi rurale
J’en connais des p’tits blancs pour qui la vie est brutaleLes blancs souffrent aussi, merci, j’voyais pas les news
La banlieue porte un gilet jaune depuis vingt ans, tout l’monde s’en bat les couilles
La France est dans l’déni, mélange d’ignorance et d’mépris
Me parle pas d’ethnie, j’ai des oncles qui croient qu’l’Afrique, c’est un pays
J’connais les quartiers vus par ceux qui y mettent pas les pieds
Qu’en parlent à tous les repas, n’envisagent même pas d’aller voir les faits
J’ai grandi dans « traîne pas avec ces gens, tu vas t’faire agresser »
Mythes et légendes à la télé, faut s’intégrer sans qu’on s’mélange
Galère sans contre-exemple, l’avenir sera ton présent
Pas d’colonie sans conséquences, racisme anti-blanc, tant d’complaisance
Crois-moi, j’connais cette France
J’dis pas qu’tout l’monde est mauvais
J’dis qu’peur et négligence rendent une population méchanteY a du racisme en France, à qui l’dis-tu?
J’ai écrit « Lettre à la République », toi, où étais-tu?
On n’fait pas bouger les choses en dressant seulement des constats
Subir ou agir, j’vais t’le dire cash moi
La vie est une question de choix
Ni de gauche, ni de droite mais si nos frères ne trouvent pas de taf
Qu’est-c’qu’ils peuvent faire à part monter leur propre boîte?
T’observes le monde avec un strabisme, t’es naïf
Tu crois encore à SOS Racisme et aux manif’J’suis pas naïf, j’suis trahi, je crois plus c’qu’on m’a appris
L’égalité, la patrie, ah oui?
Est-c’que c’est toi qui choisis? Monte ta boite, qui s’enrichit sur ton crédit?
Rentre dans le système ou péris, oublie tes rêves dans un hall de mairie
Tant qu’ils parleront d’élite
Ils disent que tu peux t’en sortir si tu l’mérites
Mais tu mérites de t’en sortir, c’est qu’une technique
L’État veut t’endormir et jouer les marchands de sommeil
Un seul modèle de réussite, le leur, basé sur l’oseille
S’ils aident les jeunes, c’est à devenir des vieux comme eux
Tu peux toucher l’jackpot, tu battras pas l’casino à son propre jeu
Système en pyramide, l’argent monte, la merde reste en bas
J’dis pas qu’tout l’monde est dans le complot, j’dis qu’ça les dérange pasJ’ai des frères qui sont partis
J’vois pas la té-ci en rose car j’ai poussé parmi les orties
J’ai vu des mecs remplis d’vice
Fumer un type que leur mère considérait pourtant comme leur propre fils
Balle dans la tête, mort violente
Est-ce l’État qu’appuie sur la détente?
Comme dans les quartiers Nord, on finit par s’y faire
On a jamais eu b’soin de l’État pour remplir nos cimetièresBavures policières, pas d’filet d’sécurité
Contrôle d’identité à l’âge où tu sais pas qui t’es
Finir par glorifier des trucs peu glorieux, grandir dans l’feu
Y a plus d’obstacles, ils sont plus dangereux, mettent ta vie en jeu
Trafic de stup à des fils de
Enfermé pour qu’ils s’évadent en soirées
T’es qu’un pion dans leur petit jeu
Les politiques, y a qu’la gloire qui les motive
Comment croire le contraire quand les présidents des meufs du show-biz?Dans l’show-biz, combien de banlieusards millionnaires
Ont banni le mot « solidarité » de leur dictionnaire?
De l’oseille, on en a pris, hein? Combien? Combien d’entrepreneurs?
Combien de stars la banlieue a produit?
Mais le succès les rend amnésiques
La peur de perdre ce qu’ils croient posséder, paraplégiques
Combien? Combien osent monter au créneau?
Combien osent leur faire face quand ils nous salissent dans leur journaux?
À qui la faute?
J’n’essaye pas d’nier les problèmes
Je n’compte pas sur l’État, moi, j’compte sur nous-mêmes
À qui la faute? Cette question appartient au passé
J’n’ai qu’une interrogation moi, « qu’est-ce qu’on fait? »