Le Dour Festival, c’est plus qu’un événement : c’est un thermomètre des musiques actuelles. Depuis plus de trente ans, ce rendez-vous belge a façonné les tendances, capté les nouvelles vagues et offert un espace libre aux artistes. Longtemps dominé par les musiques électroniques, le rock et les cultures alternatives, Dour s’est peu à peu ouvert à une scène rap française en pleine mutation.
Aujourd’hui, impossible de parler de Dour sans évoquer les shows de Booba, Orelsan, Laylow ou Freeze Corleone. Retour, année par année, sur la lente mais irrésistible ascension du rap français au cœur du plus iconique des festivals alternatifs européens.
Dour 2014 – Les premières fondations
À cette époque, le rap français n’est pas encore une évidence à Dour. Pourtant, les signaux sont déjà là. On y retrouve Casseurs Flowters, L’Entourage, Deen Burbigo ou encore Disiz, qui amènent la nouvelle génération des “lyricistes” de Paname sur des scènes où l’on croisait hier encore des groupes punk ou electro.
Ces artistes posent les premières briques : un rap plus scénique, plus accessible, prêt à conquérir le public festivalier. L’énergie est brute, le son est moins calibré qu’aujourd’hui, mais la vibe est là : le rap peut se fondre dans le chaos joyeux de Dour.
Dour 2015 – L’affirmation d’une place
L’année 2015 marque une montée en puissance. Youssoupha et Kaaris montrent deux visages du rap français : la plume et la puissance. Dans les allées du festival, on sent que le public n’est plus seulement curieux, il est demandeur.
En parallèle, des artistes comme Demi Portion ou Lomepal (encore en début de carrière) incarnent la relève, celle qui écrit et rappe avec authenticité. Le rap n’est plus un “bonus” de la prog, c’est un pilier de plus en plus solide.
Dour 2016 – Les nouvelles esthétiques
Le virage esthétique est en cours. MHD amène l’afro-trap sur scène, Vald impose son univers absurde et poétique, Oxmo Puccino reste le lien entre l’ancienne et la nouvelle école.
De l’autre côté de la frontière, la Belgique envoie ses premiers éclaireurs : Hamza, Roméo Elvis & Le Motel. Le public découvre une francophonie rap plurielle, plus libre, plus hybride. Le rap est désormais au cœur de la diversité musicale que prône Dour.
Dour 2017 – “Bruxelles arrive”
C’est sans doute l’année charnière. Sous la bannière “Bruxelles arrive”, Roméo Elvis, Caballero & JeanJass, L’Or du Commun et Lomepal enflamment les scènes. Le mouvement belgo-français explose, à la croisée du rap, de l’indé et de la pop.
En parallèle, PNL, SCH, Kaaris et Vald confirment le poids du rap dans la programmation. Le hip-hop devient une des grandes familles de Dour. On ne parle plus de niche, mais d’un genre central.
Dour 2018 – Le grand basculement
2018 est la consécration. Booba, Nekfeu, L’Entourage, MHD ou Lomepal se partagent les scènes majeures. C’est un tournant : le rap attire les plus grandes foules, rivalisant avec les sets techno et les têtes d’affiche rock.
Cette année-là, le rap français – et francophone – prend définitivement racine à Dour. Le public danse, chante, et s’identifie. Le festival devient un reflet de la génération streaming.
Dour 2019 – L’âge d’or du rap scénique
Dour 2019, c’est l’année où tout s’aligne : Orelsan, Vald, Damso, Roméo Elvis, Youssoupha et Le 77 se succèdent. Les shows sont calibrés, les scénographies travaillées.
Le rap est devenu un spectacle total, avec ses lights, ses intros, ses transitions. Plus question de douter : Dour parle désormais rap, et le public suit la cadence.
Dour 2020 – Une édition fantôme
2020 aurait dû confirmer tout ça, mais la pandémie met tout à l’arrêt. L’édition est annulée, mais le line-up annoncé fait saliver : Niska, Oxmo Puccino, Lorenzo, Oboy, Alkpote, Freeze Corleone, Nemir, Lujipeka, Kalash.
Ce plateau montre à quel point Dour croyait dans le rap français : mélange de stars, de têtes émergentes et de figures street.
Dour 2021 – Silence radio
Le Covid-19 a encore frappé. L’édition est annulée une seconde fois. Deux années sans Dour, deux années sans scène pour le rap francophone, mais une attente décuplée.
Dour 2022 – Le retour triomphal
Quand Dour revient, il frappe fort. Le line-up rap est monumental : Booba, Laylow, Vald, Niska, Disiz, Gazo, Josman, Dinos, Lala &ce, Hugo TSR, OBOY…
C’est une édition historique. Le festival n’a jamais affiché autant d’artistes rap français et francophones. Booba en tête d’affiche, c’est plus qu’un concert : c’est la reconnaissance officielle du rap comme moteur culturel majeur du festival.
Dour 2023 – Les générations se croisent
En 2023, Orelsan, Lomepal, PLK, Damso, Ziak et So La Lune prennent le relais. Le rap d’auteur et le rap expérimental s’imposent côte à côte.
Dour devient un observatoire du rap moderne : narratif, poétique, parfois planant, mais toujours sincère. C’est aussi l’année où le public féminin et international du festival s’approprie pleinement cette scène.
Dour 2024 – Confirmation et diversité
2024 prolonge la dynamique. La scène principale accueille Dinos, Kaaris, Josman, Gazo, SCH. Un équilibre parfait entre générations et styles : plume sensible, trap musclée, énergie de club.
Les programmateurs assument pleinement l’identité urbaine du festival. Le rap français est désormais un pilier stratégique du line-up, et non une case à cocher.
Dour 2025 – Le rap au sommet
L’affiche 2025 est peut-être la plus dense jamais vue côté rap francophone : Freeze Corleone, SDM, Bigflo & Oli, Gringe, Lacrim, Ziak, Oboy, Leto, Jok’Air, Kalash, Hamza, ElGrandeToto.
Dour officialise même une catégorie “Hip-hop / Rap” sur son site. Le symbole est fort : après dix ans d’évolution, le rap français est passé de l’invité à l’habitant permanent du festival.
Une décennie de métamorphose
Entre 2014 et 2025, Dour a vu défiler presque toutes les époques du rap français. Du boom bap introspectif aux shows spectaculaires, de la plume d’Oxmo à la froideur de Freeze Corleone, le festival a accompagné chaque mutation.
Le plus fascinant, c’est cette capacité du rap à s’adapter sans se trahir : à Dour, il cohabite avec la techno berlinoise, le rock garage et l’afrobeat sans perdre sa voix.
Dour, c’est aujourd’hui une vitrine vivante du rap français, sous toutes ses formes. Et ce n’est plus une surprise : c’est une évidence.